
Photo famille Einbinder ©
Sylvain Kahn nait le 25 septembre 1901 à Epfig dans le département du Bas-Rhin. Il est le fils du marchand de bestiaux Marx Kahn et de Léonie Dreyfus. Marx Kahn est né à Epfig le 3 octobre 1863, fils du marchand de bestiaux Salomon Kahn et de Madeleine Lazarus, il épouse le 16 mai 1900 à Westhouse, Léontine Dreyfuss née le 11 mai 1866 à Westhouse, fille du négociant Samuel Dreyfuss et de Rachel Blum.
La synagogue d’Epfig est construite en 1826 et en 1851, plus de 200 juifs y rĂ©sident voyant mĂȘme en 1878 l’ouverture d’une Ă©cole juive. En 1910, la communautĂ© juive ne compte plus que 39 membres et le nazisme fait disparaitre de nombreux membres, si bien qu’en 1952 la commune ne recense plus que trois juifs. (Source Alain Kahn, site internet du judaĂŻsme alsacien)

Marc Einbinder, son petit-fils, se souvient d’un homme au caractĂšre aventureux, tournĂ© vers les autres, insouciant des classes sociales ou des titres. Un homme marquĂ© par l’Ă©ducation prussienne, trĂšs stricte.
En 1918, il est requis pour le Hilfsdienst dans l’armĂ©e impĂ©riale. Ce service obligatoire est instaurĂ© le 5 dĂ©cembre 1916 et concerne les jeunes Allemands. Sylvain Kahn est ĂągĂ© de 17 ans. Ce service obligatoire est une sorte de prĂ©paration militaire au service actif et l’envoi sur le front. Heureusement, la guerre s’achĂšve avant que Sylvain ne soit mobilisable.
En 1920, un drame marque Ă jamais le jeune Sylvain Kahn. Le 20 mai, alors qu’il revenait avec son pĂšre d’un marchĂ© aux bestiaux, une voiture surgit et fauche Marx, le vĂ©hicule ne s’arrĂȘte pas et le notable qui conduisait la voiture ne sera jamais poursuivi. Cette injustice rĂ©volte le jeune Sylvain qui adhĂšre et milite dĂšs lors au parti socialiste puis au parti communiste auquel il restera fidĂšle jusqu’Ă sa mort, attachĂ© aux valeurs de camaraderie et d’entraide plus qu’aux thĂ©ories communistes.
MobilisĂ© en 1921, il effectue son service militaire dans l’ArmĂ©e du Rhin qui occupe la RhĂ©nanie et la Ruhr. Sylvain fait son service Ă Mayence d’oĂč il envoie une carte postale Ă sa mĂšre l’informant qu’il fĂȘte le Seder et qu’avec 24 autres Juifs de Mayence, ils ont créée l’association des IsraĂ©lites de Mayence qui Ă©tait alors le Quartier GĂ©nĂ©ral des ArmĂ©es Françaises.

Sylvain se marie le 25 juin 1925 à Fellering avec Marie Lévy, née le 2 mars 1903 à Fellering, fille de Mardochée Levy et de Hermine Picard. Il est alors représentant de commerce aux Forges de Lorraine. Viviane nait le 17 avril 1926 à Epfig.
A la dĂ©claration de guerre de 1939, Sylvain est mobilisĂ© au 372e RĂ©giment d’Artillerie Lourde sur Voie FerrĂ©e, au 10e bataillon, spĂ©cialisĂ© dans le transport de matĂ©riel lourd. Le 12 dĂ©cembre 1939, il est promu brigadier, puis brigadier-chef le 10 avril 1940.
Il est dĂ©corĂ© de la mĂ©daille militaire pour avoir sautĂ© sur un wagon en feu au cĆur d’un convoi de munitions et l’avoir sĂ©parĂ© du reste du convoi, Ă©vitant ainsi une vĂ©ritable catastrophe.

Lors de la dĂ©bĂącle, le rĂ©giment se replie jusqu’au pont de Port-sur-SaĂŽne qu’il a pour mission de protĂ©ger face Ă l’avancĂ©e allemande. Pris Ă revers, le rĂ©giment doit se rendre le 16 juin 1940, jour de l’entrĂ©e en captivitĂ© de Sylvain Kahn, non sans avoir rĂ©sistĂ© et combattu au corps Ă corps avec des Allemands ivres de victoires. Il est internĂ© Ă la caserne Turenne de Langres.

Extrait liste officielle des Prisonniers de Guerre n°67 du 24 janvier 1941 – BNF ©
Il est dirigĂ© vers le Stalag XVIIB de Krems-Gneixendor en Autriche oĂč il reçoit le matricule de prisonnier de guerre 35636.

Photo de Sylvain Kahn prise Ă son arrivĂ©e au stalag avec son numĂ©ro de matricule. La fiche d’arrivĂ©e prĂ©cise bien qu’il est israĂ©lite – Extrait d’une Personalkarte, DAVCC ©
Ce Stalag a la particularitĂ© d’accueillir de nombreux prisonniers de guerre coloniaux et juifs qui, sont dans la grande majoritĂ© des cas, retenus dans des camps en France. Comme les autres prisonniers de guerre, Sylvain Kahn est envoyĂ© en dĂ©tachement de travail dĂšs le 31 mars 1941.

Stalag XVIIB – Dessin de Dan Ros 1941 – la barraque est typique du camp principal – Ce dessin montre Sylvain Kahn chaussĂ© de sabots pour Ă©viter les Ă©vasions et fumant la pipe, occupation principale des PG qui passaient le temps Ă fumer avant d’ĂȘtre affectĂ©s dans des dĂ©tachements de travail – PropriĂ©tĂ© Famille Einbinder, reproduction interdite ©
Ses connaissances de la langue allemande lui permettent d’occuper les fonctions d’interprĂšte. Il a Ă©galement accĂšs aux documents sensibles comme les listes de rapatriement et organise un rĂ©seau d’Ă©vasion par la production de faux papiers. Il organise plus d’une centaine d’Ă©vasions au Stalag.
Il s’engage Ă©galement dans l’assistance au prisonniers russes qui se trouvent dans l’autre partie du camp, laissĂ©s mourant de faim par les Allemands en leur faisant passer de la nourriture Ă travers les barbelĂ©s.
Les accords entre Vichy et le Reich prĂ©voient le rapatriement en 1942 des marins. Sylvain Kahn se procure les faux papiers nĂ©cessaire et bĂ©nĂ©ficie dans ce cadre d’une mise en congĂ© de captivitĂ©. Il est ramenĂ© le 22 janvier 1942 au centre de rapatriement de Villingen en ForĂȘt-Noire pour ĂȘtre rapatriĂ© le 27 janvier 1942 en zone libre par le centre de rapatriement de Pont-de-Claix en IsĂšre. Il rejoint sa famille Ă Saint-Laurent-d’Arce, commune du dĂ©partement de la Gironde puis se rĂ©fugie Ă Toulouse. Le 23 juillet 1943 il est promu au grade d’aspirant de la rĂ©serve dans l’artillerie. De mars 1942 jusqu’en avril 1944 il est affectĂ© au dĂ©pĂŽt d’essence de la 17e RĂ©gion Militaire au Service du MatĂ©riel du quai Saint-Pierre de Toulouse et est domiciliĂ© Ă la caserne Gallieni, avenue de Bayonne Ă Toulouse, il obtient ce poste en faisant valoir sa mĂ©daille militaire, alors que les Juifs ne peuvent plus occuper de postes d’emploi public . Le 6 avril 1944, il est affectĂ© Ă Razengues dans le Gers.
DĂšs le 22 mars 1942, il rejoint la rĂ©sistance et les F.T.P.F. du dĂ©partement de la Haute-Garonne. Sous les ordre de Fredo, il s’occupe du transport d’armes, de la fourniture des munitions et du ravitaillement en argent du maquis de Castelnau-Durban en AriĂšge qu’il rejoint le 20 mai 1943. DĂšs le 1er janvier 1943, le capitaine Rey le nomme ravitailleur au grade de lieutenant de la RĂ©sistance. Il aura le pseudo de « Rhan » puis de « Sylvain ». Son poste au dĂ©pĂŽt d’essence permet Ă la RĂ©sistance de ne jamais manquer de carburant pour ses actions.

Photo Rhan au maquis de Castelnau-Durban, Photo famille Einbinder ©
AprĂšs la LibĂ©ration, il est intĂ©grĂ© dans l’armĂ©e rĂ©guliĂšre et affectĂ© au 1er rĂ©giment de la Haute-Garonne et au 14e RĂ©giment d’Infanterie au grade de sergent-chef, il sera dĂ©mobilisĂ© le 2 mars 1946. Il apporte soutien et aide aux prisonniers de guerre allemands aprĂšs la guerre et l’un d’eux rĂ©alise pour le remercier, un portrait en remerciement. Il est Ă©galement chargĂ© de traquer les collaborateurs en liaison avec les services de renseignements. Parmi ces collaborateurs, Sylvain Kahn rĂ©ussit Ă faire tomber un Juif nommĂ© Katz qui servait d’indicateur Ă la Gestapo pendant l’occupation.
Il se retire Ă Colomiers et obtient le statut d’ancien combattant.

Photo de Sylvain Kahn sur sa carte de Combattant – Photo famille Einbinder ©
Sylvain Kahn est dĂ©cĂ©dĂ© Ă l’hĂŽpital d’Agen le 2 septembre 1974. Son cercueil fut couvert du drapeau tricolore, hommage au RĂ©sistant engagĂ© et militant qu’il fut toute sa vie.