Ochetan Jon – Ciocan Jon

En me promenant dans les allĂ©es de la nĂ©cropole roumaine de Haguenau mon regard est attirĂ© par une tombe qui porte l’inscription :

OCHETAN JON 14 avril 1917 57 R.I.

Je travaille depuis plusieurs annĂ©es sur le cas des prisonniers de guerre roumains et ce nom ne m’apparait pas comme Ă©tant commun. Je dĂ©cide donc de consulter les archives de l’Ă©tat-civil de la ville de Strasbourg pour essayer d’y retrouver l’acte de dĂ©cĂšs de ce soldat roumain. En consultant les registres, impossible de retrouver ce nom, toutefois, mon regard est attirĂ© par un acte datĂ© du 11 avril 1917 avec la mention de Jon Tschokan.

Quelques indications dans l’acte me permettent de dĂ©couvrir que ce soldat est originaire du comtĂ© de Romanati, qu’il rĂ©side dans la ville de Wisin et que son Ă©pouse se prĂ©nomme Dumitra. Ce soldat appartient Ă  la 5e compagnie du 59e rĂ©giment d’infanterie. Ma curiositĂ© me pousse Ă  continuer les recherches et je me tourne vers les archives du ComitĂ© International de la Croix-Rouge Ă  GenĂšve afin de vĂ©rifier les dĂ©clarations militaires allemandes.

Deux listes confirment le dĂ©cĂšs au Festungslazarett de Strasbourg de Tschokan Jon ou Jan le 11 avril 1917, il est Ă©galement confirmĂ© qu’il appartient Ă  la 5e Compagnie du 59e rĂ©giment d’infanterie. GrĂące Ă  ces informations, il devrait ĂȘtre possible de trouver sa fiche de prisonnier de guerre. Mais impossible de la trouver.
Tschokan Jon et Ochetan Jon sont-ils une seule et mĂȘme personne? Il me faut pouvoir le confirmer. Je rĂ©flĂ©chis alors au problĂšme de comprĂ©hension linguistique entre un mĂ©decin allemand et un prisonnier roumain. Les Roumains, comme les Français, utilisent une lettre absente quasiment de la langue germanique, le C et les allemands utilisent plutĂŽt le K. Lorsque les français utilisent le CH, les allemands prĂ©fĂšrent le SCH ou TSCH. Les Roumains eux, prononcent le C, comme un CH français, par exemple civil, se prononce Tchivil en roumain. Ainsi, Jon Tschokan pourrait s’appeler en rĂ©alitĂ© Cokan. Un nom assez commun me revient alors Ă  l’esprit, celui de Ciocan.

Je consulte donc les listes Ă  ce nom. DĂšs lors, je dĂ©couvre que de nombreuses fiches classĂ©es Ă  cet endroit, indique effectivement l’orthographe Tschokan.


J’ai le sentiment d’avancer dans ma recherche et je dĂ©couvre, effectivement une fiche au nom de Ciocan Jon, appartenant Ă  la 5e Cie du 59e R.I.. Sur les listes d’arrivĂ©es au camp de Tuchel (Tuchola en Pologne) il est indiquĂ© que Jon Ciocan, habite Ă  Wisina dans le judet de Romanati et que son Ă©pouse se prĂ©nomme Dumitra. Ce qui confirme que l’acte de dĂ©cĂšs Ă©tabli Ă  Strasbourg correspond bien Ă  ce soldat, Jon Tschokan et Jon Ciocan sont la mĂȘme personne.

En parcourant les tombes du cimetiĂšre de Haguenau, impossible de trouver une tombe portant l’indication Tschokan ou Ciocan. Rapidement, le lien entre la tombe indiquant Ochetan Jon et celui que je recherche se fait.
N’ayant dĂ©couvert aucun acte de dĂ©cĂšs au nom d’Ochetan et ne trouvant pas la tombe de Ciocan, le lien se faisait tout naturellement. La tombe d’Ochetan Jon est bien celle de Ciocan Jon.

Pour moi se pose alors une question : et si aprĂšs la guerre, la famille de ce prisonnier de guerre roumain, informĂ© de sa captivitĂ© en Alsace, s’est rendue sur les lieux pour retrouver la tombe d’un mari, d’un pĂšre, d’un fils? Sans doute aura-t-elle visitĂ© la nĂ©cropole de Soultzmatt et celle de Haguenau, sans pouvoir trouver sur l’Ă©pitaphe d’une tombe le nom de la personne recherchĂ©e, sans doute seraient-ils repartis, déçus de n’avoir pas trouvĂ© la rĂ©ponse sur le destin de leur parent


Le travail de recherche sur les victimes roumaines de la PremiĂšre Guerre mondiale doit pouvoir se faire Ă  prĂ©sent, pour que chaque famille, puisse retrouver la trace d’un proche. Les guerres ont fait de nombreuses victimes directes, les consĂ©quences des disparitions de soldats ont Ă©tĂ© terribles dans les familles. Pour que vive leur mĂ©moire, il est capital de rĂ©aliser ce travail pour chaque tombe roumaine prĂ©sente en Alsace, et en France.