BAUDRY Yvonne (1920-1945) – BAUDRY Ulysse (1921-1944)

Famille

Marie Jeanne Yvonne voit le jour le 26 avril 1920 à Guebwiller dans le Haut-Rhin en Alsace.
Emile Léon Ulysse nait le 1er juin 1921 à Colmar également dans le Haut-Rhin en Alsace.

Ils sont les enfants d’un couple dont le père, Eugène Ulysse Baudry est ingénieur, originaire de Seine et Oise, né à Port-Villez fils de Léon Joseph Baudry né à Donains dans l’Eure et de Berthe Eléonore née Tranchant née à Port-Villez. Sa mère, Marie Blanche née Gerber est née à Colmar et est la fille d’Emile Gerber né à Walbach dans le Haut-Rhin et d’Anne-Marie née Koebele née à Colmar.

Guebwiller 1920 – Collection Ch. Woehrle (c)

Ennemis du Reich

Avant la guerre, la famille réside à Strasbourg, 8 rue du Marché. Ulysse est étudiant en chirurgie dentaire et Yvonne est étudiante en lettres. Dès la déclaration de guerre Eugène le père est mobilisé et ne voulant pas être déplacés lors des opérations d’évacuation de la ville de Strasbourg, la mère et ses deux enfants rejoignent Saverne. Dès le 20 octobre 1940, le Gauleiter Wagner, met en œuvre son plan de germanisation et de nettoyage ethnique. Tous les indésirables sont concernés : juifs, tziganes, francophiles, asociaux… Les origines du père, Eugène Ulysse, classe la famille dans la catégorie des « ennemis du Reich » et ils doivent quitter l’Alsace. Yvonne a 20 ans, son frère Ulysse 19.

Entrée en Résistance

La famille s’installe d’abord à Baumont-de-Lomagne dans le Tarn-et-Garonne où elle est rejoint par le père après sa démobilisation. Finalement, ils s’installent à Toulouse et habitent l’hôtel UNIC. Début décembre 1941 Ulysse rejoint la Résistance de Toulouse sous les ordres de Jean Diemer et le groupe « Combat ». Il est agent de propagande et de renseignements sous le pseudonyme « Darconville ». Yvonne s’engage elle aussi dans les mêmes conditions avec les mêmes prérogatives que son frère. C’est ensemble qu’ils décident à la fin du mois, de rejoindre Clermont-Ferrand, d’y prendre un appartement et de reprendre leurs cours à l’Université de Strasbourg repliée en cette ville. C’est dans la rue des Chambrettes qu’ils s’installent, reprennent les cours à l’Université et continuent leurs actions dans la Résistance.

Sigle du groupe Combat – Collection Ch. Woehrle (c)

L’arrestation

Début 1944, tout bascule. Les deux jeunes hébergent des Résistants et écoutent régulièrement la T.S.F. Un de leurs locataires est arrêté par le SIPO-SD et dénonce les Baudry. Le coup de filet est tendu dans une opération menée le 22 mars 1944. Il est midi, lorsque la Gestapo débarque dans la rue assistée par la Milice française. Le quartier est quadrillé. A l’intérieur de l’appartement, Yvonne et Ulysse et un autre jeune répondant au prénom de Jacques se tiennent mains en l’air. Blumenkamp, le Chef de la SIPO-SD mène l’opération, il est accompagné de celle que l’on surnomme « la Panthère », Ursula Brandt, l’assistante de Blumenkamp. Avec eux trois membres de la Milice.

Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), les fusillés du 92° RI, 20 décembre (...) -  Maitron
Prison militaire du 92° RI de Clermont-Ferrand – Le Maîtron (c)

Brandt menace Ulysse de les fusiller les trois s’il ne lui montre pas la cachette de sa mitraillette qu’il est censé posséder. Finalement la fouille permet de trouver un révolver et des balles ainsi que deux postes de T.S.F. Tous les outils de dentiste d’Ulysse sont saisis et l’appartement est mis à sac. Les propriétaires et les trois jeunes sont emmenés en voiture au siège de la Gestapo, avenue de Royat. Vers 16h, Ulysse est interrogé et battu. A minuit, tous les autres sont transférés vers la prison militaire du 92e R.I., Ulysse reste avec ses bourreaux. Dans les jours qui suivent, tous ceux qui passent par l’adresse des Baudry sont arrêtés. Même la blanchisseuse qui s’occupait de leur linge est arrêtée et déportée. La Gestapo fait promener Ulysse dans les rues de Clermont-Ferrand et se tient à dix pas derrière lui, tous ceux qui lui disent bonjour sont arrêtés, plus d’une vingtaine de personnes sont ainsi arrêtées.

La panthère fête paisiblement ses 90 ans à Falkensee en 2006

https://www.falkensee.de/news/1/67236/nachrichten/ursula-brandt-ist-90-jahre-geworden.html

La déportation

Ulysse est finalement transféré le 12 juin 1944 vers la camp de Royallieu à Compiègne, camp de transit qui est démantelé quelques semaines plus tard, au mois d’août 1944. Il arrive le 20 juin 1944 au camp de concentration de Dachau et reçoit le matricule 72364, il est affecté au commando extérieur d’Allach. Il est transféré le 26 août 1944 vers le camp annexe de Flossenburg à Hersbruck, commando de travail à 30 kms à l’est de Nuremberg. Le travail des détenus consiste à déblayer les roches, préalablement dynamitées, afin d’aménager les galeries pour installer une usine souterraine fabriquant des moteurs d’avion. Il reçoit le matricule 20424. Affaibli et malade, il est envoyé au camp de Flossenburg où il décède le 27 décembre 1944.

Baraque du camp d’Hersbruck – Gedenkstätte Flossenburg (c)

Yvonne est transférée vers Romainville et déportée. La secrétaire de la Faculté des Lettres de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand témoigne qu’elle a rencontré Yvonne au camp de Hanovre en juin 1944. C’est là qu’elles ont été contraintes au travail à l’usine de pneumatiques Continental de Limmer. Le KZ-Außenlager Hannover-Limmer dépendait du camp de Neuengamme et faisait partie des sept camps de concentration du secteur d’Hanovre. Un millier de concentrationnaires féminins travaillent par équipes de 12h à l’usine Continental. Le camp est vidé au début d’avril 1945 et les concentrationnaires envoyées vers le KZ Bergen-Belsen dans une marche de trois jours.

Yvonne Baudry s’est opposée selon le témoignage à la force « par une nonchalance affectée et une maladresse volontaire. Quoique comprenant parfaitement l’Allemand, elle a toujours su mimer l’incompréhension des ordres reçus. Chaque fois qu’une forme de résistance étai offerte, Yvonne l’a adoptée, avec tous les risques qu’elle comportait. Yvonne était une belle compagne et l’adresse de ses doigts était remarquable, elle savait tout faire sauf les masques demandés par les Allemands. En grande partie, grâce à Yvonne, Noël 1944 fut une fête pour les déportées de Limmer. Avec du caoutchouc dérobé à l’usine, Yvonne a fabriqué des chaussures et beaucoup ont reçu en cadeau une paire de chaussure modèle de Paris. Quiconque peut comprendre l’amour et le courage qu’exige cette effort et Yvonne donna un peu de sa santé par ce travail supplémentaire. Elle acceptait le risque des pîres punitions pour donner à ses compagnes en loques, l’illusion d’une vie, où l’amitié, la coquetterie et la joie étaient encore permises.

Femmes libérées du camp de Bergen-Belsen – Gedenkstätte Bergen-Belsen (c)

Fin tragique

Fin avril le camp de Bergen-Belsen est libéré et Yvonne écrit à son père le 28 avril pour lui annoncer sa libération. Son état de santé est jugé préoccupant et elle est hospitalisée le 5 mai atteinte du typhus et amnésique. Elle décède le 10 mai 1944 à Bergen-Belsen et est enterrée en fosse commune.

Ce n’est qu’en 1948 qu’Eugène et Marie Blanche apprennent le sacrifice de leurs deux enfants.

Déclaration de décès d’Yvonne à Bergen-Belsen – ITS Bad-Arolsen (c)

La reconnaissance

Yvonne obtient la mention « Mort pour la France » en 1956, la mention « Mort en Déportation » lui est attribuée en 1988 et le statut de déporté résistant lui est accordé le 21 février 1956.
Ulysse obtient la mention « Mort pour la France » en 1956, la mention « Mort en Déportation » lui est attribuée en 2008 et le statut de déporté résistant lui est accordé le 21 février 1956.

Titre de Déporté Résistant – DAVCC Caen (c)

… puis l’oubli inexorable

Christophe Woehrle 2021 (c)