L’engagement roumain pour la mémoire

Certains citoyens roumains s’interrogent sur le fait que ce soit un étranger qui fasse un travail de recherches et surtout, que les autorités roumaines n’aient rien entrepris jusqu’à ce jour. L’histoire nous éclaire à ce sujet et il est important de relater les faits dans leur durée, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, afin d’éviter un faux procès d’intention aux autorités roumaines.


Archives Musée Dollfus, Ville de Mulhouse © 

Dès la fin de la Première Guerre mondiale, la Reine Marie de Roumanie créée en France, avec des antennes en Lorraine et en Alsace, le Comité des Tombes Roumaines. Le siège à Paris est dirigé par l’épouse du Ministre Cantacuzène, l’antenne de Lorraine est dirigée par le Général Berthelot, lui-même, dont il est inutile de rappeler les liens qui l’unissent à la Roumanie et enfin, l’Alsace est dirigée par Max Dollfus, un ami personnel de la Reine Marie qui a œuvré au sein du Comité International de la Croix Rouge pendant la guerre au service des prisonniers de guerre roumains. Leur mission est de repérer les lieux où sont enterrés des Roumains et de les rassembler dans un lieu qui leur est réservé. En 1924, la mission est achevée en Alsace avec la création d’une nécropole à Soultzmatt, en Lorraine avec celle de Dieuze. Chacun ayant rempli, en partie sa mission, car faute de moyens, certains corps n’ont pu être identifiés ou exhumés.


Archives du Land de Bade-Wurtemberg © 

Le Roi Ferdinand et la Reine Marie, sont venus à de nombreuses reprises s’incliner sur les tombes des Roumains enterrés en Alsace. Le 10 avril 1924, Le Roi Ferdinand s’exprime en ces termes au correspondant du Journal le Matin :

« Je sais combien ont souffert mes soldats dans ce pays, où on les avait exilés. J’ai appris de quelle tragique mort certains ont péri. Ce sont là des aberrations terribles de la guerre … Le sentiment de reconnaissance que j’éprouve est vif dans mon cœur à l’égard de la France entière, qui nous a secourus avec noblesse aux heures les plus terribles de la guerre« .


Archives de la Ville de Mulhouse ©

Depuis la mort de la Reine Marie, les souverains roumains continuent de perpétuer la tradition et viennent se recueillir à Soultzmatt et dans les autres nécropoles roumaines. La Gardienne de la Couronne de Roumanie S.M. Margareta et son époux le Prince Radu ont planté un arbre symbolique lors de leur dernière visite. Le Consulat de Strasbourg et les autorités diplomatiques roumaines en France honorent chaque année le souvenir de ces héros enterrés en Alsace et en Lorraine.


Association Franco-Roumaine Piatra Craiului ©

Aujourd’hui, la découverte de nouvelles archives, les nouvelles technologies accessibles, la nouvelle approche des sciences humaines, l’ouverture des frontières et l’Europe en paix dans laquelle nous vivons, permettent d’apporter de nouvelles données scientifiques sur ce que fut la captivité des Roumains en Alsace et en Lorraine lors de la Première Guerre mondiale. Nous œuvrons tous en commun pour perpétuer la volonté de la Reine Marie, très attachée au destin des prisonniers de guerre, nous perpétuons la volonté de la diplomatie roumaine de travailler à maintenir le souvenir de ces soldats en France et nous apportons notre modeste contribution à découvrir ce qui n’a pu être fait dans les années suivant la guerre. Tout ceci dans le seul but d’honorer la mémoire des héros enterrés loin de leur terre natale et de servir à l’histoire des familles qui, 120 après, attendent encore des réponses sur le destin d’un des leurs.

Christophe Woehrle 2020 ©