Bratu Jancu

L’Alsace compte deux nécropoles de prisonniers de guerre roumains avec près de 1200 tombes. Ces nécropoles, dont celle de Soultzmatt n’est dédiée qu’aux Roumains, ont été aménagées dès les années 1920 puis pour celle de Haguenau, dans une nécropole nationales avec d’autres nationalités, en 1972. Il existe, à Mulhouse, un carré d’une trentaine de tombes qui n’ont jamais été exhumées et transférées vers les nécropoles. La raison n’en est as connue, là les prisonniers de guerre roumains partagent leur carré avec des prisonniers de guerre soviétiques.

Parmi les tombes, parcourant les allées, on découvre celle de Strica Jencu, mort pour la Patrie le 23 juillet 1917.

Photo Christophe Woehrle (c)

Qui est ce soldat, mort des suites de sa captivité en cet été de l’année 1917 ? Son acte de décès, conservé par les archives de la ville de Mulhouse indique qu’il est décédé le 26 juillet, enterré au cimetière catholique de la ville et qu’il est âgé de 36 ans. On peut constater que l’état-civil n’a pas été consulté pour établir l’épitaphe de sa tombe et lors de l’exhumation de la sépulture pour la déposer au cimetière militaire des Vallons, toujours à Mulhouse, seules les indications apportées par les Allemands sur la tombe de ce soldat, sont reprises.

La consultation des listes de prisonniers roumains conservées au Comité International de la Croix-Rouge ne permettent pas d’identifier un soldat qui répond au nom de Jencu ou Jancu Strica. Toutefois, le CICR conserve deux listes qui indiquent le décès de ce soldat. La première nous indique que le soldat Janiscu ou Jancu Stoica, matricule 33971, est décédé le 24 juillet à Mulhouse. Une autre liste, indique qu’à la même date, est décédé à Mulhouse Jancu Bratu.

CICR (c)

Après vérification, il n’y a qu’un seul décès enregistré à Mulhouse d’un prisonnier de guerre roumain au mois de juillet 1917. La consultation des registres du CICR et le numéo de matricule indiqué sur une des listes nous permettent d’identifier formellement Jancu Bratu, enterré à Mulhouse sous le nom de Jencu Strica.

La famille de ce soldat a sans doute été avisée du décès, mais comment fera-t-elle, lorsqu’elle voudra se recueillir sur la tombe de ce héros, pour retrouver l’endroit de la sépulture ?

CICR (c)

C’est le but que s’est fixé le Comité d’Alsace des Tombes Roumaines, de redonner à chaque tombe, à chaque soldat mort pour sa Patrie, une identification formelle après vérification de toutes les archives à notre disposition pour retrouver l’identité exacte et retracer individuellement le parcours de près de 1300 Roumains décédés en Alsace.

Nous cherchons maintenant à entrer en contact avec les descendants de ce héros et récapitulons les éléments que les archives nous ont permis de découvrir.

Jancu Bratu est né en 1882 à Scorțaru-Nou judet de Brăila dans la région historique de Munténie. Au bord du Buzău, le petit village compte aujourd’hui un peu plus d’un millier d’habitants. Lorsque la guerre éclate, il est âgé de 34 ans et marié à Marita. Il est mobilisé dans la 1ère compagnie du 3e escadron de l’armée Roumaine et son unité se bat dans la région de l’Argeș en Munténie, à environ 300 kilomètres à l’ouest de son village natal. Le 30 novembre 1916, le combat cesse pour lui, il est fait prisonnier à Mățău et dirigé vers le camp de Tucholà en Pologne. Dès la fin du mois de janvier, affaibli et dénutri, il arrive en Alsace pour intégrer un détachement de travail chargé de construire des voies ferrées dans le sud de la région et pour alimenter le front allemand. Il est admis à l’hôpital de Mulhouse où il décède la 24 juillet 1917 et enterré au cimetière catholique de la ville avant d’être transféré vers la nécropole militaire du cimetière des Vallons à Mulhouse où il repose dans la tombe 24 du carré C de la nécropole.

Le Comité d’Alsace des Tombes Roumaines va demander à ce que l’épitaphe de sa tombe soit rectifié et nous étudierons également la possibilité de transférer sa dépouille avec ses camarades de captivité, dans la nécropole nationale roumaine de Soultzmatt.

Qu’il repose en paix – Merci de nous aider à retrouver sa famille.

Christophe Woehrle 2020 (c)