Briey

Louis Pinot, né en 1862 à Pont-à-Mousson, est prêtre à Briey en Meurthe-et-Moselle pendant la Première Guerre mondiale. Il est aumônier de la clinique des Mines qui devient, dès 1914, un Lazaret allemand et où les chirurgiens allemands opèrent les blessés du front et les prisonniers de guerre. A proximité, un terrain d’atterrissage. Lorsque les prisonniers de guerre roumains arrivent dans la région, leur situation émeut particulièrement le prêtre qui décrit leur situation :

…parqués dans des clôtures de fil ronce [fil de fer barbelé], assez hautes pour défier une escalade, exposés à tous les vents, à la pluie, à la neige, à toutes les intempéries, mal nourris, parfois même mourant de faim, … rudoyés sans cesse

Paradoxe de l’histoire, le premier médecin chef de la clinique des Mines avant la guerre, était le docteur William Stern. Ce dernier est arrêté par les Allemands en 1943 et déporté est mort en camp de concentration, il était d’origine juive-roumaine, né en 1882 dans le comté de Botosani.

Docteur William Stern – DAVCC ©

Briey était également un centre de commandement allemand, la carte postale montre ici la Kommandantur située dans la ville de Briey.

Collection Christophe Woehrle ©

Les archives allemandes ne consignent qu’un seul décès de prisonnier de guerre roumain en 1917 à Briey alors que la mortalité est très forte chez les prisonniers de cette nationalité partout ailleurs. Il semble que Briey ne soit pas accessible aux prisonniers malades roumains ou russes à cette époque, la plupart des décès sont déclarés à Conflans-en-Jarnisy ou à Labry. La situation évolue à partir d’août 1918, car ce sont huit décès de Roumains déclarés à Briey jusqu’au 18 octobre 1918. Il semble que la grippe espagnole ait touché les captifs et Briey devient un centre de traitement de la maladie à ce moment.

Collection Christophe Woehrle ©

Cette photo prise en 1918 montre l’hôpital de Briey, surmonté d’une croix rouge pour éviter les bombardements, des aviateurs allemands y étaient logés contre les Conventions de La Haye. 

Le journal du Patriote Illustré du 19 janvier 1947 revient sur l’épidémie de grippe espagnole :

L’épidémie de grippe espagnole qui exerça ses ravages sur une Europe anémiée par quatre ans de guerre en 1918, faucha 7 300 000 victimes d’après les statistiques officielles, mais le chiffre réel approcha plus probablement les dix millions. Le fléau, on s’en souvient, se manifesta par deux vagues successives, la première en mars, la seconde en septembre, et causa des pertes considérables dans les rangs des alliés. La population civile paya un lourd tribut à l’épidémie aussi bien que les armées, pour l’Angleterre seule et le Pays de Galles, la mortalité atteignit 157 000 décès.

Depuis les autorités médicales de tous les pays sont restées en alerte, prévoyant un retour offensif de l’épidémie, car le mal que la génération précédente qualifia de grippe espagnole est un des fléaux qui s’abattent périodiquement sur l’humanité. Les peuples qui en furent victimes lui ont successivement donné les noms de « sudor anglicus » à la fin du Moyen-Age, ou d’influenza, vers 1890. Comment on en vint à la désigner sous le nom de « grippe espagnole », c’est là un mystère qui n’est pas éclairci.

« Le Patriote Illustré » ©

Enterrés à Briey, les dépouilles des victimes roumaines sont exhumées et transférées dans les années 1920 vers la nécropole de Dieuze.

Le prisonnier roumain PETRESCU, décédé en 1917, est inhumé à part des ses compatriotes, tombe 340. 

Puis un groupe de cinq sont regroupés des tombes 739 à 743, il s’agit des prisonniers CRISTEA, FLORESCU, BIBORESCU, LAZAR et GHEORGHE décédés entre août et septembre 1918.

Enfin, les trois derniers sont regroupés tombes 793 à 795, ce sont les prisonniers TOADER, RISTEA et SOCAREVO, décédés en octobre 1918.

Les décès tardifs, après le printemps 1918, n’ont pas été déclarés au Comité International de la Croix-Rouge et à ce stade des recherches, seul un prisonnier de guerre a pu être identifié avec certitude, Barbu RISTEA. Les recherches à venir aux archives militaires allemandes permettront certainement de retrouver des indices pour identifier les autres victimes. Des éléments permettent de dire que les prisonniers décédés à Briey sont tous originaires du camp de prisonniers de Lamsdorf, ce qui réduit le champ des recherches.

Nous publions ici la liste des neuf décédés de Briey avec les éléments connus à ce jour, si vous pensez reconnaitre un membre de votre famille, n’hésitez pas à nous contacter.

BIBORESCU Joan décédé le 7 septembre 1918 à Briey

CRISTEA Gheorghe décédé le 7 août 1918 à Briey 47e Régiment d’Infanterie

FLORESCU Joan décédé le 22 août 1918 à Briey

GHEORGHE Joan décédé le 30 septembre 1918 à Briey

LAZAR décédé le 9 septembre 1918 à Briey

PETRESCU Gheorghe décédé le 17 avril 1917 à Briey 5e Régiment d’Infanterie

RISTEA Barbu, né en 1883 à Viespiesti judet d’Olt, soldat au 43e Régiment d’Infanterie 13e Compagnie, fait prisonnier le 17 novembre 1916, époux de Dina Ristea, décédé le 18 octobre 1918 à Briey

SOCAREVO Tornita décédé le 16 octobre 1918 à Briey   

TOADER Vasile décédé le 17 octobre 1918 à Briey

Collection Maurice Kupferle ©

Maurice Kupferle était un soldat français prisonnier en Allemagne au camp de Stuttgart. Il écrit des cartes postales sous forme de photos à sa famille résidant à Paris. L’album est intitulé « Souvenirs de captivité 22 août 1914 – 4 décembre 1918 » et contient des cartes-photos de prisonniers de guerre roumains, rares et exceptionnelles.   

Christophe Woehrle 2021 ©