De Berchad à Auschwitz
Aujourd’hui située en Ukraine, la commune de Berchad était, au 18e siècle, un haut lieu religieux et culturel juif hassidique, courant mystique juif en Europe orientale, attaché aux traditions. Les traces visibles de l’époque florissante se trouvent dans le cimetière de la ville où l’on trouve des tombes du milieu du 18e siècle, en ville une synagogue vieille de deux siècles avec un toit de chaumes et des maisons traditionnelles juives qui ont traversé les époques. La ville a également connu un ghetto pendant la Seconde Guerre mondiale et un charnier avec 8 000 victimes juives y a été découvert après la guerre.
C’est là que nait, le 5 avril 1893, Moïche Kremer, fils d’Abraham et de Malka Koupermann. L’antisémitisme d’état est violent en cette fin du 19e siècle, et les pogroms poussent de nombreux Juifs Russes à quitter leur domicile, leur pays, vers un Eldorado plus accueillant et moins stigmatisant. Paris, fait partie de cette possibilité d’intégration pour les Juifs d’Europe centrale et nombreux sont ceux, qui tentent le voyage vers la capitale française. Maurice Kremer arrive avec ses parents et ses trois frères et sœurs, Michel, Georges et Jeanne, en 1898 à Paris. Imaginons ce voyage, partis de Berchad, ils ont traversé la Russie, la Pologne, l’Allemagne pour arriver enfin à la gare de l’Est. Dès 1905, à peine âgé de 12 ans, il est apprenti ébéniste. Plus tard, il apprend le métier de gainier, maroquinier, travaillant à une époque chez le célèbre maroquinier Hermes.
Le 22 avril 1919, il épouse à Paris Xe, Léa Lucienne Tykoczinski de Nancy. En 1922, nait Roger, en 1924, Jacqueline et en 1926 Claude, tous nés dans le 11e arrondissement de Paris. Après la crise de 1929, le couple s’installe à Châlons-sur-Marne en 1931 et Maurice [Moïche] Kremer crée son propre commerce de vêtements pour bébés.
La guerre est déclarée en 1939 et l’invasion allemande débute en mai 1940. Fin avril 1940, Léa et ses deux plus jeunes enfants quittent Châlons pour se réfugier en Bretagne, à Concarneau. Maurice et Roger, l’aîné, restent jusqu’au 10 mai à Châlons avant de quitter la ville évacuée face à l’avancée brutale des Allemands, pour atteindre l’Allier. A Troyes, ils sont déjà rejoints par les troupes allemandes et rebroussent chemin pour revenir à Châlons occupée. Peu de temps après, il cherche son épouse et ses deux enfants à Concarneau en train et rejoignent Châlons-sur-Marne.
Il est arrêté comme otage le 26 février 1942, en même temps que 18 Marnais arrêtés ce jour-là par la police allemande à Reims et à Châlons-sur-Marne au sein de la communauté juive et parmi les militants syndicaux et politiques, en représailles à la suite d’attentats commis contre les troupes d’occupation à Chalon-sur-Saône et Montceau-les-Mines.
Interné à la prison de Châlons-sur-Marne puis transféré à Compiègne, camp de rapatriement des prisonniers de guerre français, déporté vers Auschwitz le 27 mars 1942 par le 1er convoi à destination du camp d’extermination. Il y porte le matricule 27852
Maurice Kremer meurt à Auschwitz le 25 avril 1942 à l’âge de 49 ans.
L’épouse de Maurice et ses trois enfants ont survécu à la guerre.
J’ai demandé la mention Mort pour la France pour Maurice Kremer. Son acte de décès n’indique pas Auschwitz comme lieu de décès, un rectificatif doit donc être entrepris à l’état-civil. Dès que celui-ci sera obtenu, la mention pourra être accordée à Monsieur Maurice Kremer qui avait été naturalisé français le 27 mars 1931.